La transmission de données personnelles ayant un caractère administratif

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

9 mars 2016

Dans une décision du 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat est venu préciser les droits et limites de la communication de données personnelles, lorsque celles-ci présentent également un caractère administratif.

La société LES LABORATOIRES SERVIER, ayant commercialisé le médicament MEDIATOR durant plusieurs années, a demandé au directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) de lui communiquer les données de deux études, portant sur les effets de ce médicament, ce qui lui a été refusé par une décision du 2 février 2012.

Après avoir contesté cette décision auprès de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs, sans obtenir gain de cause, la société LES LABORATOIRES SERVIER a saisi le Tribunal administratif de Paris, afin que celui-ci déclare nulles les décisions de refus de communication des études et enjoigne au directeur général de la CNAMTS de les lui transmettre.

La société LES LABORATOIRES SERVIER invoquait notamment à l’appui de sa demande de communication le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense.

Ses demandes ont été rejetées par le Tribunal dans une décision n°1211832 du 15 juillet 2013.

Par la suite, la société LES LABORATOIRES SERVIER a souhaité poser au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité, remettant en cause la conformité à la Constitution d’un article de loi ayant servi de base à la décision des juges administratifs. Les juges du Conseil d’Etat n’ont pas estimé cette question nouvelle et sérieuse et ont refusé de la transmettre, dans une décision n°372230 du 26 décembre 2013.

C’est dans ces conditions que les juges du Conseil d’Etat ont eu à se prononcer sur le pourvoi formé par la société LES LABORATOIRES SERVIER, à l’encontre de la décision du Tribunal administratif évoquée ci-dessus.

Dans leur décision n°372230 du 30 décembre 2015, les juges ont confirmé que les documents sollicités ne devaient pas être communiqués à la société et ont donc de nouveau rejeté ses demandes.

A l’occasion de leur décision, les juges ont pu préciser l’articulation entre la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, ainsi que les limites du droit à la communication de données personnelles ayant un caractère administratif.

Les juges du Conseil d’Etat ont tout d’abord établi que l’obligation de communication de données personnelles était possible, lorsque celles-ci présentent un caractère administratif, et sous réserve des conditions légalement prévues.

Ainsi, en application de l’article 37 de la loi du 6 janvier 1978, la qualification de données personnelles ne fait pas obstacle à l’obligation de l’Etat, des collectivités territoriales ainsi que des autres personnes de droit public et des personnes de droit privé chargées d’une mission de service public de communiquer, aux personnes qui en font la demande, les documents administratifs qu’elles détiennent, contenant des données personnelles mais à caractère administratif. Les documents administratifs sont définis comme les documents produits ou reçus dans le cadre d’une mission de service public.

Toutefois, ces données personnelles à caractère administratif ne pourront être transmises que s’il est possible d’occulter ou de disjoindre les mentions portant atteinte, notamment, au secret en matière industrielle et commerciale, à la protection de la vie privée ou au secret médical.

Les juges du Conseil d’Etat ont retenu en l’espèce que « la seule circonstance que les données en cause soient issues du système national d’information interrégimes de l’assurance maladie ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce qu’elles soient communiquées sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978, si les conditions posées par cette loi étaient réunies ».

Dès lors que les conditions de respect, notamment du secret en matière industrielle et commerciale, de la vie privée et du secret médical, sont remplies, l’application de la loi du 6 janvier 1978 n’exclut donc pas l’application de la loi du 17 juillet 1978.

Toutefois, il existe des exceptions à l’obligation de communication, même quand les données peuvent être anonymisées.

L’article 6 I 2° f de la loi du 17 juillet 1978 prévoit notamment que les documents administratifs dont la transmission porterait atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures » ne doivent pas être communiquées, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente.

Les juges précisent dans leur décision que c’est à la personne chargée d’assurer la mission de service public qui est sollicitée qu’il revient de « vérifier notamment, au cas par cas et selon les circonstances de l’espèce, si leur communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives d’une autorité judiciaire ou d’une juridiction ».

Si le refus de transmission est contesté par le demandeur des informations, les juges précisent alors qu’il revient à l’autorité judiciaire ou à la juridiction seules « dans le cadre des procédures engagées devant elles et en vertu des principes et des textes qui leur sont applicables, d’assurer le respect des droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure ».

Au cas d’espèce, les données que la société LES LABORATOIRES SERVIER sollicitait faisaient partie d’études produites dans le cadre d’une instruction judiciaire ouverte contre elle, au cours de laquelle elle avait été mise en examen et qui faisaient l’objet d’une expertise en cours, dans le cadre de l’instruction judiciaire.

De plus, les données demandées portaient sur l’identification des effets secondaires du Mediator, qui constituait un élément essentiel de la caractérisation des éléments matériels de l’infraction pour laquelle la requérante était poursuivie.

Ainsi, les juges du Conseil d’Etat ont estimé que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes de la société LES LABORATOIRES SERVIER, car la communication demandée était effectivement de nature à porter atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle.

Les juges du Conseil d’Etat ne retiennent donc pas l’atteinte au secret en matière industrielle et commerciale, à la vie privée et au secret médical dont les premiers juges avaient reconnu l’existence, estimant ce motif surabondant. En revanche, la motivation basée sur le risque d’atteinte à une procédure en cours a été considérée comme suffisante pour motiver la décision du tribunal administratif.

La demande de communication des documents par la société LES LABORATOIRES SERVIER a donc été de nouveau rejetée.

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